Cillian fut réveillé par un bruit fracassant qui venait du dehors. Comme bien des matins, ce n’était pas le soleil qui annonçait le début de la journée, mais le chaos extérieur. On aurait pu croire que l’apocalypse était du genre calme. Mais Cillian et savait qu’il n’en était rien et d’ailleurs, si l’on voulait survivre, il valait mieux apprendre à écouter. Chaque porte qui claque, chaque bruit de voiture ou de coup de feu… tout avait son importance, même le silence. Le silence était d’ailleurs un luxe extrême, car il semblait toujours amener avec lui la promesse que tout allait bien se passer. Le silence était l’illusion de la sécurité. C’était cette recherche de calme qui avait poussé Cillian et sa sœur à voyager à pied jusqu’à ce petit village, allant de maisons en maisons, de granges en granges, jusqu’à trouver un endroit qui semblait plus éloigné du monde, ou plus simple à barricader. Ils s’étaient mis en route il y a quelques semaines, ne pensant à rien à part à la fuite. Ils avaient croisés ‘trop de monde’ dans la ville précédente pour se permettre de rester au même endroit. Dès que quelqu’un savait ou ils vivaient, Cillian préférait changer d’endroit. Alors une ou deux personnes, c’était effectivement : trop de monde. Les survivants avaient beau se faire très rares, ils avaient l’art de se retrouver aux mêmes endroits : les sources de nourriture, d’eau, ou d’essence.
Réalisant qu’ils ne connaissaient rien à l’Irlande et à sa géographie au-delà d’images et de cartes, Cillian et sa sœur jumelle avaient temporairement trouvé refuge dans ce petit village de pêcheur, se souvenant des nombreuses cartes postales de ce lieu qu’ils avaient pu observer, jadis, à l’orphelinat. Les grandes villes n’apporteraient jamais rien de bon, et il avait l’espoir que sa sœur finisse par le comprendre, plutôt que de rêver d’Esperanza. Ici, ils avaient tout ce dont ils avaient besoin, et même si sa sœur rêvait de plus, lui préférait se satisfaire de choses simples. Ils avaient donc établit un camp un peu plus loin, préférant tout de même rester hors du village au cas où des gens passaient par là. Ils avaient trouvé une petite maison de pêcheur plus bas, vers la mer. Le village et les maisons leur servait de supermarché géant. Ils avaient commencé par prendre des couvertures, des coussins, des conserves, et tout le nécessaire pour rester loin, et longtemps. Mais ils étaient déjà là depuis quelques temps et les vivres disparaissaient toujours assez vite. Ils étaient jeunes, et ils avaient du mal avec le mot ‘rations’, surtout Cillian qui avait déjà du vivre avec ça toute sa vie. Il préférait mourir heureux que mourir de faim, alors : il ne se privait pas.
C’était une matinée des plus ennuyantes : sa sœur semblait prête à dormir toute la journée, et lui en avait marre de mater le plafond en chantant pour essayer, discrètement, de la réveiller. Il aurait tué pour une cigarette. Ou de l’alcool. Ou quelque chose pour rendre la vie moins… répétitive. Il avait enfin sa liberté loin de l’orphelinat, ce n’était pas pour la gâcher en restant allongé. Alors, bien qu’il ne soit pas en manque de choses à faire, il décida de marcher jusqu’au village, laissant un mot à sa sœur pour qu’elle ne s’inquiète pas. Avec un peu de chance, il trouverait des clopes, un jeu de carte, ou une bouteille de whisky cachée quelque part. Ils avaient déjà fouillé toutes les cuisines des alentours, mais il y restait quelques placards de salons, quelques garages éventuels à explorer. En chemin, Cillian se demandait s’il était le seul à préférer le monde actuel, celui qui retournait vers l’état naturel des choses. La nature était la seule gagnante, mais c’était si paisible qu’il était facile d’oublier quelques instants comment on en était arrivé là. Le long chemin était animé par le bruit des vagues, et tous ces éléments avaient contribué au fait que Cillian avait fait moins attention que d’habitude aux autres bruits : ceux des humains. Il y eut pourtant bien des signes qu’il n’était pas seul, mais il était ailleurs, et ne tarda pas à le regretter. Alors qu’il était tranquillement en train d’explorer la chambre d’une des maisons, son regard fut attiré par une ombre à l’extérieur. Dans un sursaut, Cillian se plaqua au sol, évidemment trop tard.
Son coeur battait maintenant bien plus vite, mais son esprit se concentra sur son propre corps pour se forcer a arrêter de trembler. Il avait horreur de ça. La panique avait des effets extrêmement frustrants. Alors qu’il se demandait quoi faire et comment rouler hors de portée pour se cacher, Cillian entendit la porte s’ouvrir. Trop tard. Il se murmura quelques « Merde, merde, merde » de motivation pour se bouger. Il ne pouvait pas rester ici. Mais il ne pouvait pas non plus partir : il connaissait cette maison, la seule sortie de ce coté, c’était là ou l’inconnu se trouvait, en bas. L’homme était clairement armé, et tenter de partir par la fenêtre semblait… mal avisé. Cillian avait une arme aussi, mais il n’y avait aucune munition pour aller avec, et depuis longtemps. De toute façon, une bonne batte de baseball faisait souvent l’affaire avec les zombies. Mais pas les humains. Passant en position assise, puis debout, avec milles pensées à la seconde, Cillian ne put qu’écouter à la porte de la chambre pour voir ce qui se passait. Il entendit l’homme s’annoncer avant de monter les escaliers. Merde. Il courra jusqu’à la fenêtre, se sentant prêt à jouer les Spiderman et à sauter du premier étage. Mais il ne tarda pas à remarquer qu’il avait d’autres hommes dehors. Merde. Se retournant vers la porte de la chambre il était comme un con, piégé. S’apprêtant à jouer le rôle de sa vie, Cillian entrouvre la porte avant de hurler le plus fort possible :
Cillian : - Je suis pas un zombie mais c’est ma maison mec donc euh... dégage...steuplé !
Il n’y avait plus qu’a espérer que ça allait marcher. Il avait essayé d'être poli mais affirmé, n'ayant aucun moyen réel de se défendre contre un homme armé, encore moins plusieurs. Mais peut-être qu’ils allaient se dire qu’il y avait encore des habitants par là… avec un peu de chance….